Les tentatives agricoles au XIXᵉ siècle

Robert Aufan

Un pionnier ruiné

Dès la fin du XVIIIᵉ siècle des tentatives de mise en valeur agricole de la lande furent tentées ; la première eut pour auteur un banquier suisse Daniel Nezer.

Achetant le 5 février 1766, au Captal de Buch, 19751 journaux sur les 22215 de landes que comptait le Captalat, il projette de les mettre en culture. Malgré la baillette de 1550 qui avait « baillé » aux habitants l’ensemble de ses "padouens et vacants", cela était encore possible car dans le même texte, le captal s’était réservé le droit de les bailler à ceux qui voudraient les convertir en « labourages pour faire bleds »

Il faut dire que le pouvoir royal encourageait ce type de tentatives, c’est le sieur de Ruat qui bénéficie le 12 novembre 1765 d’exemptions d’impôts puis elles sont étendues à tous ceux qui voulaient défricher par l’arrêt du Conseil d’Etat du Roi du 13 août 1766 puis par les lettres patentes du 29 avril 1768.

Mais, en 1770, il meurt ruiné car sa demande d’emprunt a été refusée. Tout ce qui restera de son entreprise c’est la forêt dite de Nezer sur le seul territoire du Teich puisque sur ceux de La Teste et Gujan étaient soumis au texte de 1550 interdisant les semis de pins.

Des rêves à la réalité

On peut citer un autre rêve qui ne s’est pas réalisé, celui du sieur Turpin qui, en 177 propose de mettre en culture l’île de La Teste, l’actuelle île aux oiseaux !!!

Mettre en culture supposait de drainer les terres, c’est pour cela que fleurissent des projets de canaux , de M. Chevallier en 1762 entre le bassin et Bordeaux, de M. de Montauzier en 1772 entre l’Adour et la Pointe de Grave, de M. Peconnet en 1775 pour relier Bègles à Arcachon, idée reprise en 1776 par le sieur Lorthe sur un tracé Garonne, Arcachon, Adour. Ce dernier projet sera étudié officiellement en 1778 par l’ingénieur Charlevoix de Villers qui nous laissé un plan du futur canal Cazaux-Bassin et un rapport sur le canal de Guienne depuis l’Adour dans lequel il préconise de commencer par fixer les dunes. (1779). L’idée sera reprise, sans le citer, par Brémontier.

En fait le seul canal réalisé fut à partir de 1834 celui reliant l’étang de Cazaux au bassin.

Après la parenthèse de la révolution et de l’Empire s’ouvre alors ce que Michel Boyé a appelé "le temps des investisseurs".

En 1821 le projet de canaux Pierre Balguerie-Stuttenberg échoua pour des raisons financières et c’est Jean François Bernard Boyer Fonfrède qui reprit le projet d’un canal de La Hume à Mimizan. Il fut autorisé par une ordonnance de Charles X le 1 juin 1834 mais suite à des difficultés c’est finalement la Compagnie d’exploitation et de colonisation des Landes qui hérita du projet et de la concession. Commencés en 1835, le canal fut ouvert à la navigation en 1840 mais se trouva très vite face à la concurrence de la voie ferrée (1841) et la Compagnie fut dissoute en 1857. Cependant la création du canal entraîna la constitution, en 1837, d’une nouvelle « Compagnie agricole et industrielle d’Arcachon »

Du riz sur les rives

Les 12588 hectares devaient être consacrés grâce à la prise d’eau sur le canal (1838), à 3000 hectares de prairies irriguées, à la plantation en pépinière de 500000 pieds de muriers pour les vers à soie, sans compter les champs de carottes, de pommes de terre pour alimenter une féculerie .Associés à d’autres projets industriels, usine de résine, haut fourneau…tout cela échoua car dit M.Allègre, sollicité par le préfet, ses responsables «étaient presque tous étrangers à la culture des terres » c’étaient souvent des parisiens membres de la noblesse qui espéraient par leurs relations obtenir des capitaux. La compagnie fut dissoute en 1846 et ses 6500 hectares furent vendus par adjudication.

Un des administrateurs le Comte de Blacas Carros entreprit, avec une nouvelle « Compagnie ouvrière de colonisation » de cultiver du riz, mais cela ne dura que 7 ans et en 1858 l’expérience fut arrêtée. Comme on ne pouvait toujours pas, depuis 1550, y planter de pins les terrains retournèrent à la lande.

Des entrepreneurs au Nord-Bassin

Sur l’autre rive du bassin, à Audenge et Arès s’étaient constitués de grands domaines issus de la vente des biens nationaux (propriétés de Durfort de Civrac, à Certes, et de Belcier, à Ares). Après des ventes successives ils devinrent la propriété de deux investisseurs, le négociant bordelais François de Boissière dont le fils Ernest Valeton de Boissière géra le domaine de Certes à partir de 1843 et Louis David Allègre qui en 1835 acheta la terre d’Arès, laquelle passa après son décès au banquier parisien Javal

Si à Certes ce furent surtout des marais salants puis des réservoirs à poissons ce sont surtout des pins qui furent planté : en 1865 on y trouve 600hectares boisés mais encore 1100 hectares de landes.

Par contre à Arès où l’élevage de dromadaires ne survécut pas à son « inventeur » Charlet de Sauvage, le développement des cultures alla de pair avec celui des forêts de pins. C’est surtout Javal qui après avoir creusé 160 kilomètres de fossés d’assainissement, transforma cette propriété de 2845 hectares : presque toute la lande était semée en pins tandis qu’une centaine d’hectares était consacrée à des cultures (vigne, tabac, prairies…) et 48 à des semis de chênes et d’arbres fruitiers.

L'handicap des infrastructures insuffisantes

Malgré ces entreprises, le pays reste toujours tourné vers la mer et ses produits et en dehors d’Arcachon (dont l’essor balnéaire commence en 1827) il reste encore isolé : le chemin de fer n’atteindra La Teste qu’en 1841, Cazaux en 1876 et Arès en 1884.

Ces difficultés de communication furent soulignées pour le sud par le cahier de doléances de La Teste en 1789 : deux problèmes y furent en effet soulevés :

- l’état de délabrement des chemins venant du sud car « une quantité de voitures étrangères viennent chaque jour de vingt paroisses des landes et du Marensin porter leurs résines, seigles et autres denrées…Ces voitures chargées roulant sur un sable mouvant détrempé par les pluies forment des chemins impraticables et des cloaques où l’eau se conserve presque toute l’année… »

- les difficultés pour aller à Bordeaux en particulier pour les poissonniers qui alimentent la ville, car pour passer la Leyre, « il y a trois ponts de bois sur les différents bras de cette rivière…entièrement brisés de vétusté » et les débordements de la Leyre « rendent le passage impraticable » à moins de faire un détour , par des chemins détrempés par Le Barp ou d’emprunter les 2 bacs que le marquis de Civrac « tenait » depuis l’arrêt royal de 1731, Mais il en fait payer l’utilisation, alors qu’il est contraint, depuis un arrêt de 1741, d’entretenir les passages.

Ce n’est qu’en 1822 qu’une vraie route fut construite entre Bordeaux et La Teste, tandis qu’en 1844 fut édifié un nouveau pont de bois qui fût remplacé en 1873 par un pont métallique.