Phares du Cap-Ferret

Premier balisage fixe du Bassin (antérieur à 1826):

par Joël Confoulan

En 1708, selon la première carte acceptable du Bassin réalisée sous les ordres du pouvoir par Claude Masse, la presqu'île n'avait pas encore terminée sa croissance sableuse. Ainsi, aux erreurs près géodésiques (même si l'admiration prévaut), le phare actuel se serait trouvé approximativement dans le site de "La Passote" de l'époque.

En 1750, la carte de Cassini confirme l'état de la presqu'île. Seulement, ce cartographe de renommée révèle un important constat souvent sous-estimé: la présence de "l'île de Matock" assimilé à tort à notre banc d'Arguin d'aujourd'hui. Cette véritable île se serait soudée à la presqu'île en une cinquantaine d'années l'allongeant ainsi de trois kilomètres environ. Cette adjonction aurait eu pour conséquence principale de forcer tout le courant de jusant (reflux) vers la passe Sud, rabotant ainsi sévèrement la côte Ouest des dunes de La Teste dans les années 1830 - 1840 et emportant d'abord le fort Cantin puis ceux du Moulleau et de la Roquette (batterie du Sud).

Le recul de cette côte a été de 1100 m environ par rapport à la côte actuelle.

Extrait de la "Carte particulière des côtes de France (Bassin d'Arcachon) levée en 1826 par les ingénieurs hydrographes de la Marine sous les ordres de Beautemps-Beaupré Ingénieur Hydrographe en Chef, Membre de l'Académie Royale des Sciences et du Bureau des Longitudes et publiée en 1829.

L'étoile bleue représente la position exacte du phare du Cap-Ferret d'aujourd'hui. Il se trouve à l'emplacement des anciennes passes Nord de 1708. L'île de Matock est devenue le Cap-Ferret...

Avant le phare bâti de 1840, il y aurait bien eu un premier à feu fixe puisqu'il figure sur la carte de 1826. Etait-il déjà maçonné? Selon le dessin agrandi au moindre détail, il parait bien ressembler à un genre de tour de moulin.

Il s'agirait donc probablement d'une tour à feux, un des premiers balisage de la côte Atlantique avec le phare de Cordouan (1611) et semblable, au moins par le dessin de la carte, à la figure ci-après de 1635.

Il fût construit pratiquement face au "Moullo", un peu plus à l'intérieur du Bassin pour y accéder plus facilement (à la rame ou à la voile dans le meilleur des cas...). Une longue passerelle de bois permettait d'y accéder à pieds secs à marée basse en laissant les embarcations dans le chenal.

Très certainement, cette tour avait aussi la fonction de sémaphore comme en témoigne le texte reproduit plus loin.

Décès du gardien du sémaphore en 1808: (d'après Max Baumann: la presqu'île du Cap-Ferret Evocation historique. Edition Equinoxe).

Le procès-verbal suivant se trouve à l'état civil de la commune de La Teste de Buch :"Aujourd'hui 8 août 1808, nous Pierre Peyjehan, juge de Paix du canton de La Teste, sur l'avis de Guillaume Gouey, nous nous sommes transportés sur le pré sale, au lieu-dit du Hourquet, ou nous avons trouvé un cadavre étendu sur le bord du ruisseau, la face contre terre. Apres avoir retourne le cadavre et pendant que le sieur Jougla le visitait, nous nous sommes aperçus que le gousset de son pantalon était renversé. Sur ce, nous avons invité le sieur Jougla, chirurgien, à faire une recherche exacte afin de découvrir le genre de mort qui avait provoqué ce cadavre. Le sieur Jougla n'a découvert aucune meurtrissure, ni contusion, et nous a assuré que la mort avait été provoquée par la noyade. Pendant une deuxième visite du cadavre, nous avons reconnu que nous étions en présence du corps d'André Faure, gardien du sémaphore du Cap­ Ferret. Jeanne Duha, sa logeuse, a déclaré qu'il était âgé de 74 ans, de Bordeaux (Saint-Seurin), veuf de Marguerite Guinard. »

Max Baumann concluait par ces mots: "Accident, suicide au cours d'un séjour à La Teste, autant de point non élucide. Une seule certitude, il y avait en 1808 un sémaphore sur la presqu'île du Cap-Ferret. Mais où? "

Une hypothèse est donc apportée désormais.

D'autant que l'extrait ci-après de la carte levée en 1813 par A.M.A. Raoul , Ingénieur Hydrographe, confirme bien l'existence au moins d'un sémaphore. Nous savons maintenant où il se trouvait !

Le dessin d'un sémaphore (balise avec des panneaux articulé) se distingue sur la carte : "le sémaphore du Nord".

A l'opposé, vers la Pointe d'Arcachon, le sémaphore du Sud assure l'entrée des passes.

Deuxième phare bâti du Bassin (1840)

Extrait de la carte d'Etat-Major de 1860.

"Comme pour le golfe de Gascogne, l’entrée du Bassin d’Arcachon était largement fréquenté par les marins qui, dans l’espoir de la pêche miraculeuse, risquaient régulièrement leur vie. On décida alors, pour limiter les naufrages, de signaler et de surveiller ce site extrêmement dangereux. Dès 1833, l’administration des « Pons et Chassées », le commissaire aux classes, les capitaines aux longs courts et les maîtres de cabotage de la Teste, réfléchirent à la mise en place du (premier?) Phare du Bassin d’Arcachon.

Ils décidèrent donc, de l’installer sur les « Dunes du Ferret », commune de la Teste, sur un monticule de sable naturel à proximité de la cabane des douaniers et du quartier des pêcheurs. La position du Phare, éloignée de la pointe du cap Ferret – non à son extrémité – permettait ainsi de palier aux problèmes d’érosion.(site Ville de Lège Cap-Ferret)

Le 14 avril 1836, moyennant un rabais de 21%, le Sieur Escarraguel enlevait l'adjudication pour la construction du phare à réaliser selon les plans de l'ingénieur Deschamps. Dans l'impossibilité d'extraire les pierres de la carrière de Saint-Savinien, comme le spécifiait le métré, il lui fallut les faire venir de Barsac et de Saint-Macaire, entraînant du même coup une augmentation des dépenses estimée à 17 000 francs. Le sol plus meuble que prévu nécessita des fondations plus profondes et plus importantes mais l'entrepreneur continua son chantier tout en signalant au fur et à mesure ces surcoûts dont il n'était aucunement responsable. Il réclama en conséquence des indemnités pour les couvrir. L'ingénieur ordinaire répliqua que l'extraction était exécutée "sans autorisation des ingénieurs et que les entrepreneurs étaient tenus de supporter toutes les conséquences de la substitution de matériaux dont il s'agit" . Les indemnités demandées furent donc refusées.

Une seconde réclamation fut présentée en janvier 1838 pour obtenir des dédommagements en compensation des avaries survenues aux barques et bateaux employés à transporter les matériaux au phare. Il fut encore répondu négativement sous prétexte qu'aucune circonstance exceptionnelle n'avait provoqué ces naufrages et que seule la responsabilité de l'entrepreneur était impliquée. En juillet 1838, fort de sa bonne, foi il présenta une troisième réclamation contre les erreurs du métré qui auraient été commises à son préjudice mais qui connut le même sort que les précédentes. Au total le phare coûta 352 461, 55 francs, sans la lanterne ni l'appareil optique, pour un total initial autorisé de 204 946, 61 francs soit une augmentation de 72% à l'entière charge de l'entrepreneur qui acheva certes l'édifice mais se résolut à mettre la clé sous la porte à la suite de ce marché. (source)

Finalement, le premier phare du Cap Ferret fut mis en service le 1er novembre 1840. Il fonctionnait à la vapeur de pétrole et était doté d’un seul feu fixe blanc. Il fut électrifié en 1928. Construit en pierre de taille, il avait une hauteur de 50 mètres, 275 marches et une portée d’environ 50 kilomètres. La surveillance et l’entretien nécessitaient le concours de trois gardiens et d’un suppléant dont les logements étaient situés à la base du phare.

Grande image: phare du Cap-Ferret 26 septembre 1850. Mine de graphite (10 X 30 cm) XI 84. Léo DROUYN (1816-1896)

Petite image insérée: phare du Cap-Ferret 26 septembre 1850. Mine de graphite (détail) 4,5 X 10 cm XI 84.

Description : Tour légèrement tronconique en maçonnerie lisse, dodécagonale à la partie supérieure avec couronnement circulaire en maçonnerie de pierres apparentes avec congé, moulures et astragale. Le fût est centré sur un soubassement circulaire abritant le magasin et les logements. Rambarde métallique. Lanterne de 3, 50 m à facettes montée sur une murette maçonnée

Fiche technique :

- Description technique : Première optique : 1er novembre 1840 : feu fixe blanc de premier ordre focale 0, 92 m. Autres optiques : 12 septembre 1904 : Feu mixte à éclats réguliers alternativement rouge et blanc. focale 0, 92 m. 30 septembre 1928 : feu à éclats rouges toutes les 5 secondes focale 0, 70 m de 4 panneaux au 1/4. 2ème phare : 1948 : feu à éclat rouge toutes les 5 secondes Optique de 4 panneaux au 1/4 de 0, 70 m de focale (actuelle). Cuve à mercure : 1828. Combustibles : Huile végétale : 1840. Huile minérale : vers 1875. Vapeur pétrole : 1904.

La guerre:

En juin 1940 la France métropolitaine est divisée en deux par une ligne de démarcation : la zone occupée et la zone libre. Pour les Allemands, le Bassin d'Arcachon constitue une zone sensible. Fin juin, un premier détachement allemand arrive à Arcachon. Dès le lendemain l'occupation commence pour s'étendre progressivement à toutes les communes du Bassin. Les passes sont fermées et étroitement surveillées

Les Phares de France servaient (par leurs positions adaptées aux voix maritimes) de tours de guet pour l’armée Allemande, en renfort du « Mur de l’Atlantique ». Dès l’arrivée des troupes, le Phare du Cap Ferret fut tout de suite occupé.

En août 1941, les communes du Bassin passent même en "zone interdite". Le 23 mars 1942, la directive n° 40 donnait naissance au Mur de l'Atlantique et, dès le mois d'août, pour réaliser les travaux exigés par Hitler, l'Organisation Todt fait appel à de la main d'œuvre locale réquisitionnée. Casemates de tir, Poste de direction de tir avec télémètre, soutes à munitions, abris avec cloche blindée d'observation autant de fonctions que de blockhaus…

Vers la fin de la guerre, lors du débarquement des Alliés, la déroute de l’armée Allemande a engendré une retraite rapide, laissant derrière elle un minimum de points stratégiques en état. Le phare fut dynamité par les Allemands en Août 1944 en pleine nuit.(Site de la Ville de Lège Cap-Ferret)

Il fallut improviser… Un phare de fortune fut construit avec des éléments en aluminium abandonnés par les aviateurs allemands, assemblés avec de la corde à piano. L’éclairage était constitué d’une lampe de 18 000 bougies logée dans une tête de bouée. (http://patrick.labouyrie.free.fr/cap_ferret.html)

Le nouveau phare (1949):

Les trois phares en présence: celui de 1840, celui 1949 en construction et celui intermédiaire: une tour métallique et une lampe logée dans une bouée...(documents de Max Baumann)

Plan original du phare du Ferret, façade Sud tel qu'il fût signé le 10 novembre 1945 par l'architecte en chef des Bâtiments Civils et palais Nationaux. (L'Estey Malin°49)

Le phare que nous voyons aujourd’hui fut reconstruit en 1947 et inauguré le 7 août 1949. La délégation des personnalités ont pu gravir les 258 marches que certains ont compté à haute voix. Du moins au début.

Localisation:

Projet d'aménagement de la presqu'île du Cap-Ferret en 1922 (propriétaire: M. Labro en 1919 suite à l'échange par l'Etat de 419 ha contre 2551 ha de ses forêts à Cadarache (13) et Moissac (83). Les 44 hectares n'en font pas partie puisqu'ils ont déjà été vendus en 1905 par l'Etat à de multiples propriétaires. Visionnaires.

Le phare vu de la Zone de Protection Intégrale de l'île d'Arguin. Contrairement à ce qui est souvent perçu pour être le sémaphore, c'est le château d'eau qui se trouve à l'arrière, à 625 m env. vers le Nord. Le sémaphore, pourtant plus près, ne peut pas se voir car il est moitié moins haut que ses éminences voisines (21,45 m pour 52 m).

La distance de 2600 m entre le phare et la Pointe du Ferret est la même que celle relevée en 1860 par la carte d'Etat-Major.

A peine 1100 m séparent les hautes eaux du Bassin avec celles de l'Océan. Le phare reste "hors d'eau". Il est au coeur de la Ville d'hiver du Ferret

Cherchez le phare! Son ombre le dévoile au milieu de son square de pins. A son Nord-ouest, on distingue le blockhaus tapi sous les arbres (n°Ar 36, type 622 construit en 1943).

Cadastre section EX n°300

Fiche technique:

Fonction : Phare d’atterrissage Localisation : Cap-Ferret, Bassin d’Arcachon, Gironde Coordonnées : Latitude 44 38 45 25 - Longitude 1 14 55 74 Construction : 1840 et 1947 Date de mise en service : 1840 Automatisation et télé-contrôle : 1995. Nombre de marches : 258 marches Hauteur totale du Phare : 57 mètres Générateur de rythme : Une optique tournante composée de quatre lentilles. Le système optique repose sur un bain de mercure permettant une hydraulique parfaite à 360° Rythme des feux : Un éclat rouge toutes les cinq secondes Portée lumineuse : Vingt-sept milles (environ 50 km) Lanterne : Une lampe halogène de 1000 Watts sous 220 volts http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee

Description architecturale:

Hauteur au dessus de la mer : 62 m. Taille générale : 52, 10 m. Hauteur de la focale : 50 m.

Description:

Tour légèrement tronconique en maçonnerie lisse, dodécagonale à la partie supérieure peinte en rouge, avec couronnement circulaire en maçonnerie de pierres apparentes avec congé et astragale. Soubassement tronconique relié par une galerie à un bâtiment rectangulaire abritant la salle des machines. Grand parc comprenant cinq logements pour le personnel. Terrain. Lanterne métallique. Fronton reprenant les années de construction : 1840 et 1947 et le nom : phare du Cap Ferret. Bas relief présentant un navire, un poisson et l'étoile des phares. Dans le hall : ascenseur, mosaïque présentant le bassin d'Arcachon signée : Labouret. Deux bustes sur socle de A. Fresnel et Beautemps-Beaupré.