Histoire du balisage

(source Musée de la Marine)

Des tours à feux aux phares:

(I) Feux de Nidingen (Suède) : bois en 1635 Phare de l’île de May (Ecosse) : charbon en 1635 (II) Phare de Bjusten (Suède) : charbon en 1765 (III) Phare de Neufahrwasser (en face de Dantzig) : charbon en 1758 (VI) Phare de Spurn-Point (Angleterre) : charbon en 1776, huile en 1819 (VII) Phare de Cordouan : bois puis charbon en 1611, huile végétale en 1782, huile minérale en 1854, gaz de pétrole en 1907, électricité en 1948

Le mot phare vient du grec jaroV. C’est sur l’île de Pharos, dans le delta du Nil, que s’élève au IIe siècle avant J.-C. l’une des sept merveilles du monde antique, le phare d'Alexandrie. Ses dimensions gigantesques (135 mètres de haut) en font le symbole du pouvoir des Ptolémée mais aussi une aide à la navigation à l’approche des côtes. Le feu de bois allumé à son sommet guide les navires pendant quinze siècles, jusqu’à ce qu’un tremblement de terre ne le détruise en 1302. Un seul phare antique est encore debout aujourd’hui : la tour d’Hercule à La Corogne en Espagne. C’est l’un des phares construits par les Romains pour assurer la sécurité des voies commerciales. Ils en construisent un à Boulogne, en France, dès l’an 40. L’existence des phares est donc liée depuis toujours à celle d’un pouvoir fort soucieux d’efficacité. Au Moyen-âge, on navigue surtout de jour en se repérant grâce aux amers (éléments du paysage : montagne, clocher) mais au XIIIe siècle, l’émergence de cités portuaires puissantes s’accompagne de la création de nouvelles tours à feu. Des foyers sont aménagés aux sommets d’édifices militaires voire religieux comme à l’abbaye de Saint-Mathieu près de Brest. En 1355, le prince de Galles qui contrôle alors l’Aquitaine fait bâtir une tour à feu sur l’îlot de Cordouan, dans l'estuaire de la Gironde. De 1584 à 1611, la tour est reconstruite. Elle restera longtemps le seul feu moderne des côtes françaises. Au XVIIe siècle, l’affirmation du pouvoir monarchique conduit à une volonté de connaissance et de contrôle du territoire. Le littoral est ainsi corseté par de grands ports militaires (Brest, Rochefort) tandis que Colbert cherche à développer le grand commerce maritime à partir des ports de Nantes et de Marseille. S’impose ainsi la création d’un réseau français de tours à feux. Les anciens feux d’importance stratégique sont rénovés (Cordouan) et de nouveaux sont bâtis par Vauban pour servir de tours de guet. Le plus ancien phare breton est celui du Stiff à Ouessant (1685). Afin de sécuriser la flotte de guerre installée à Rochefort, Colbert décide la construction du phare des Baleines sur l'île de Ré (1682) et de Chassiron sur l'île d'Oléron (1685). La mission des phares est alors double : défense militaire et éclairage des côtes.

Chronologie de la gestion des phares et balises:

Embryon d’un système sous Louis XIV (Ordonnance de Colbert, 1681)

Droits de feux privés jusqu’à la Révolution

1792 : création de la Commission des phares, amers et balises (ministère de la Marine)

1806 : la commission passe sous contrôle du Ministère de l’Intérieur, rattachée à la Direction des Ponts et Chaussées

Les sémaphores:

Source: IFREMER Documentation sur l’Environnement et le Littoral DOP-DYNECO - Rapport de François CABANE avec l’aide de Michel Bourlier Novembre 2007 [RST.DYNECO/Doc 07.12/Brest sur Charles Depillon (1768 - 1805) Inventeur des Sémaphores côtiers.

Extraits du rapport concernant Charles DEPILLON:

" Les vaisseaux croisant au large des côtes françaises étaient groupés en escadre ; ils n’ont pas disposé pendant bien longtemps d’un code unique destiné à se faire comprendre d’une escadre à l’autre. En effet, chaque vaisseau-amiral commandant la flottille dont il avait la responsabilité, portait son Etat-major embarqué, qui n’avait de comptes à rendre qu’au Roi. (V. p. ex. les dessins de Kéréon (1801-1803) sur son exemplaire des livres qu'il emportait avec lui : chaque navire avait son code, et les codes les plus courants étaient représentés dans ses dessins). Un souci évident d'homogénéisation était évident ; il est assez surprenant qu'il n'ait pas eu lieu plus tôt. Mais peut-être ce désordre était une tactique destinée à tromper l'ennemi héréditaire : d'une flotte à l'autre, la signification des messages vus n'était pas la même ... Jusqu’à la Révolution, cet état de chose va durer, sans que les différents Etats-majors aient tenu compte des efforts déployés par les uns ou les autres pour tenter d’harmoniser la signification des signaux par pavillons. Il y eut pourtant un génial précurseur, en la personne de Jean-François du Cheyron du Pavillon, qui dès 1773 mit au point un système léger instaurant des « phrases » (tirées du « Traité de Tactique Navale » et de l’usage courant) transmises par un nombre restreint de pavillons. Son ouvrage, paru en 1778, semble le premier essai sérieux de classification ordonnée des pavillons les uns par rapport aux autres, suivant un schéma qu'il donne, avec un tableau final comptant 1600 cases (= signes possibles). Ce fut le premier système de codage simple et généralement accepté, mais qui ne laissait pas encore place à des transmissions secrètes. L’usage de l’époque était effectivement de définir le jeu de pavillons à utiliser avant chaque sortie d’un groupe de bâtiments (une flotte, une escadre ou une division), pour conserver un (relatif) secret vis-à-vis de l’ennemi. Le code n’était valable que pendant la durée de la sortie. Lorsque des navires appartenant à des groupes différents, ils utilisaient avant tout les signaux de reconnaissance en vigueur qui, eux, étaient communs. Pour communiquer entre les bâtiments, les convois disposaient par ailleurs d’un code qui leur était propre.

En résumé on distingue les différents codes suivants : - signaux de tactique navale entre bâtiments à la mer, - signaux de reconnaissance entre bâtiments à la mer, - signaux de reconnaissance des bâtiments avec les batteries et forts des côtes, - signaux d’ordres entre bâtiments d’un convoi, - et enfin les signaux de côte, le sujet de cette étude

Un deuxième essai est tenté en 1798, en réduisant le nombre des pavillons à 15, plus un pavillon dit « égal à tous ». Ce système est connu comme « Pavillons de l’an 7 ». Mais les pavillons montreront leurs limites : en effet, ils se déploient mal sous certaines conditions de vent (V. p. ex. l’initialisation du pavillon « trapézoïdal »), et surtout, il ne suffit pas de savoir combien de pavillons sont hissés, encore fallait-il discerner leurs couleurs sans hésiter : les nombreuses remarques de Jacob au Ministre témoignent de cet état de fait. D’autre part, les pavillons seront souvent sujet à de sévères dégradations (usure naturelle, mais aussi au cours des batailles – et puis du fait de leur taille : une flamme mesurait 2 m sur 12 !) ; il fallait donc les remplacer fréquemment. Sur ce plan là, les sémaphores vont dominer les pavillons en ne demandant qu’à lire une combinaison de position des ailes, donc des chiffres.

Le premier véritable précurseur [au sémaphore de Depillon] se trouve dans une petite brochure qui a pu paraître à partir de 1793, à Paris. Cet ouvrage anonyme n’est pas daté, mais il y est fait mention de la semaine de 10 jours [système qui fut mis en place de 1792 à 1800]. Or il montre, dessin à l’appui, des « sémaphores » sous la forme de tourelles en haut desquelles des guetteurs manipuleraient des pavillons. Il est important de noter que ce mot-là est utilisé pour la première fois. D’autre part, le tableau initial [dépliant en première page] permet aux lecteurs de savoir très vite et tout de suite quel est l’article sélectionné. Si ce fascicule était paru vers 1800, Charles Pillon aurait eu alors 33 ans. Pourtant, avec le mémoire qu'il adresse au Ministre de la Marine en 1801, il fait allusion, dans une petite lettre autographe signée, à un précédent entretien qui aurait eu une issue favorable. Il serait important de retrouver la trace de ce premier entretien. Ce petit fascicule va montrer l'apparition du système de codage utilisé quelque temps plus tard par Depillon. Comme l’avait commencé Du Pavillon pour le choix des éléments du « Dictionnaire », on y trouve des phrases et des termes codés du langage maritime, des expressions toutes faites. Bref, il ne manquait à ce sémaphore avant la lettre (avec pavillons) que d'être un appareil simple et efficace, et ménageant en plus le secret dans les transmissions : ce fut l'invention de Depillon. Mais son décès prématuré l’empêcha de poursuivre plus loin la mise au point de son sémaphore ; ce fut donc Jacob qui s’en chargea. Une autre question reste également sans réponse, dans l’état actuel de nos recherches : comment Depillon et Jacob se sont-ils connus ? Il semble qu’une certaine collaboration, presque une complicité, a dû exister entre les deux hommes. Car en admettant même que Jacob fut rappelé dans les bureaux du Ministère après le décès de Depillon, l’appareil présenté ressemble tellement à la maquette décrite par ce dernier qu’il est difficile de ne pas l’identifier ainsi. De plus, il paraît vraisemblable qu’il ait dû tester son invention en vraie grandeur. Jusqu’à présent, il n’a pas été possible de retrouver le lieu où ces essais se seraient déroulés 40. Mais la dispersion des courriers de Jacob, autant au départ qu’à l’arrivée, rend la recherche des preuves difficile.

La lentille de Fresnel

Extrait du mémoire d’Augustin Fresnel, Un nouveau système d’éclairage des phares, Académie des Sciences, 1822

"Je songeai, dès le commencement, à substituer de grandes lentilles de verre aux réflecteurs* paraboliques. On sait qu'une lentille, comme un miroir parabolique, a la propriété de rendre parallèles les rayons partis de son foyer ; elle produit par réfraction* l'effet que le miroir parabolique produit par réflexion*. Cette application des lentilles à l'éclairage des phares ne pouvait être une idée nouvelle, car elle vient trop aisément à la pensée, et il existe, en effet, un phare lenticulaire en Angleterre ; mais il parait qu'il a peu d'éclat, ce qui tient probablement à la grande épaisseur des lentilles employées, qui est de 0,20 m, et peut-être aussi à la disposition générale de l'appareil, sur laquelle je n'ai pas de renseignements précis. Si l'épaisseur des lentilles n'excédait pas l'épaisseur ordinaire des glaces, la lumière absorbée par le verre ne serait qu'une très petite partie de celle qui le traverse : la perte résultant de la réflexion partielle des rayons aux deux surfaces n'est que d'un vingtième, d'après les expériences de Bouguer ; et en la supposant même d'un douzième, on voit combien peu la lumière serait affaiblie par son passage au travers de ces lentilles, et quels avantages elles auraient à cet égard sur les meilleurs réflecteurs métalliques, qui absorbent la moitié de la lumière sous des incidences peu obliques, telles que celles de la majeure partie des rayons dans les miroirs paraboliques. C'est cette réflexion qui m'avait donné l'espoir d'apporter une économie notable dans l'emploi de la lumière en substituant des lentilles aux miroirs paraboliques. Des liquides bien transparents, tels que l'eau et l'esprit de vin, n'absorbent qu'une faible partie de la lumière qui les traverse, même sur une longueur de vingt à trente centimètres ; et l'on aurait pu songer à appliquer aux phares les grandes lentilles que l'on fait avec deux verres bombés entre lesquels on introduit un liquide ; mais outre que le poids énorme de ces lentilles aurait beaucoup fatigué le mécanisme qui fait tourner l'appareil dans les phares à éclipses, le séjour prolongé des liquides entre ces verres bombés aurait fini par les salir intérieurement, et il aurait été très difficile de les nettoyer. Le mastic servant à luter [= enduire] leurs bords aurait pu d'ailleurs se dégrader en quelques points et donner passage au liquide. Il était donc beaucoup plus sûr de n'employer que des matières solides. Il était nécessaire aussi, pour ne pas perdre une trop grande partie des rayons émis par la lumière placée au foyer, que chaque lentille embrassât tous ceux qui sont compris dans un angle de 45o, ce qui exige que l'angle prismatique du verre au bord de la lentille, ait 40o. On voit quelle épaisseur en résulterait au centre, si la lentille était terminée par une surface sphérique continue : cette grande épaisseur aurait le double inconvénient d'affaiblir beaucoup la lumière qui la traverserait, et de donner à la lentille un poids trop considérable. Mais si l'on divise celle-ci en anneaux concentriques*, et qu'on ôte à la petite lentille du centre et aux anneaux qui l'entourent toute la partie inutile de leur épaisseur, en leur en laissant seulement assez pour qu'ils puissent être solidement unis par leurs bords les plus minces, on conçoit qu'on peut également obtenir le parallélisme des rayons émergents partis du foyer, ou, ce qui revient au même, la réunion au foyer des rayons incidents parallèles à l'axe de la lentille, en donnant à la surface de chaque anneau la courbure et l'inclinaison convenables. C'est Buffon qui a imaginé le premier les lentilles à échelons, pour augmenter la puissance des verres ardents* en diminuant leur épaisseur ; mais d'après ce qu'il dit sur le sujet, il est évident qu'il proposait de les faire d'un seul morceau, ce qui rend leur exécution presque impossible."