Le système Hughes

Matthieu Cabaussel

Cette technique de gemmage est la plus emblématique et fût celle pratiquée à grande échelle dans toute la forêt des Landes à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Les carres cicatrisées que l’on peut encore observer, en particulier en forêt usagère, sont en grande majorité des carres du système Hugues.

Le gemmage, «l’industrialisation »

« Il sera pris des mesures pour continuer de fixer et planter en bois les dunes des côtes de Gascogne, en commençant par celles de La Teste de Buch, d’après les plans présentés par le citoyen Brémontier, ingénieur, et le préfet du département de la Gironde». C’est en ces termes que commence le premier article d’un arrêté signé par les consuls de la République en 1801. Le boisement de la forêt de Gascogne que nous connaissons aujourd’hui est en marche. Quand Brémontier s’intéresse à la fixation des dunes de la Teste, il prend la suite de travaux considérables déjà engagés par le Captal François de Ruat, aidé dans son entreprise par le testerin Peyjehan.

Le 19 juin 1857, la « loi relative à l'assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne » impose aux communes de vendre leurs terrains aux enchères à des propriétaires privés chargés de rentabiliser les sols par des plantations. Ceci est à l’origine du statut actuel de la forêt landaise, privée à plus de 90%. Après d’innombrables expérimentations infructueuses, le pin maritime, espèce endémique de l’Aquitaine déjà présent dans les embryons naturels de la forêt landaise, en particulier sur le bassin d’Arcachon, sera l’essence reine de ce nouveau massif.

Cette loi marque un tournant fondamental dans l’histoire des Landes de Gascogne, elle signe en effet la fin du système agro-pastoral traditionnel, et la généralisation du procédé de gemmage à l’ensemble du massif forestier. Cette généralisation va entrainer avec elle de fortes évolutions techniques, hissant le gemmage et le traitement des résines d’une activité artisanale à un processus industriel.

L'invention du système Hughes

Un inventeur bordelais, Pierre Hugues, breveta en 1845 un nouveau système pour récolter la résine, qui supplantera petit à petit la technique ancestrale du gemmage au crot. Après plusieurs années d’expérimentations à Pessac, une partie seulement de son procédé, quelque peu compliqué, sera reprise : l’utilisation d’un pot en terre cuite, coincé entre une lamelle de zinc et un clou au bas de la carre pour récolter la résine.

Ce pot est dit ascensionnel, car il suit chaque année la montée de la carre. Les principaux avantages sont que la résine récoltée contient moins d’impuretés et que sa teneur en essence de térébenthine est améliorée, car la distance à parcourir par les gouttes de résine entre le haut de la carre et le récipient (auparavant le crot, au pied du pin) est diminuée.

Cependant malgré cette découverte importante, Pierre Hugues termina sa vie ruiné. Il ne put de son vivant modifier les habitudes ancestrales des habitants de la forêt. Il mourut le 16 février 1850 à Bayonne dans l’indifférence générale. Ce n’est que quelques années après que son invention sera reprise. Outre-Atlantique la guerre de sécession (1861/1865) va interrompre brutalement le commerce des résines nord-américaines. À partir de ce moment là, c’est en partie le vieux continent qui va devoir palier cette baisse mondiale de la production. En France comme l’essentiel du massif forestier est déjà exploité, c’est le système de récolte qu’il va falloir modifier afin de doper la production (Philippe Jacques). C’est à ce moment que le système Hugues, dans une version simplifiée, est remis au goût du jour. C’est ainsi que durant la seconde moitié du XIXe siècle ce procédé se généralisa et les pots de résine récoltèrent « l’or blanc » de la forêt de Gascogne.

La fabrication des pots est d’abord prise en compte par des potiers locaux. Avec l’arrivée des machines à mouler, des fabriques plus importantes comme les briqueteries et les tuileries vont s’emparer du marché. Les premiers pots sont tournés, mais à partir de la fin du XIXe siècle les premiers pots moulés apparaissent. Ils vont dans le courant du XXe siècle supplanter les productions tournées (Philippe Jacques).

Parallèlement de nouveaux outils firent leur apparition, tandis que d’autres furent transformés, à l’instar du hapchot, qui fut fortement remanié pour être allégé (le bridon). Le pitey étant très lourd à transporter, il fut progressivement abandonné au profit d’outils à très long manche. Dans les distilleries, l’introduction de la distillation à la vapeur a permis d’augmenter significativement les rendements. Les industriels testerins Venot et Ramondin élevèrent encore la température de la vapeur et s’assurèrent ainsi de meilleurs rendements en essence et fabriquèrent des colophanes dignes de leur réputation déjà ancienne !