L'importance de la présence humaine
Robert AUFAN
L’aspect « naturel » du massif est dû aussi à la présence de l’homme qui, tout en la respectant, l’a dans un certain sens domestiquée.
Ainsi, la présence d’arbres fruitiers sauvages disséminés sur tout le massif s’explique par le fait que la forêt était habitée par les gemmeurs : la pollinisation à partir des plantations domestiques autour des cabanes était constante
Une cabane dans le forêt: gravure de 1891 de Paul Kauffmann (1849 - 1930)
Ces cabanes, en effet, parfois ornées d’une treille, étaient entourées de potagers et d’arbres fruitiers, voire de quelques ceps de vigne. Elles avaient presque toutes un puits, parfois un four à pain et des apiés (ruchers) ; au nombre de 64 en 1849, de 88 en 1905 et de 73 en 1977, 32 cabanes étaient encore habitées en 1976, en général dans des zones facilement accessibles .Autour de ces cabanes s’étendaient souvent de très belles clairières (138 hectares sur l’ensemble de la forêt) parfois ornées de chênes majestueux, mais beaucoup, faute de présence humaine ou animale ont été recolonisées par la forêt
Ce sont surtout les hommes qui ont permis la conservation ce massif.
L’homme en effet ne l’exploitait pas au sens landais du terme, il y cueillait « en bon père de famille » et « pied par pied » le bois dont il avait besoin et tout cela était codifié de façon très précise.
La grande originalité de cette forêt c’est en effet d’avoir été régie, et de continuer à l’être, par des textes dont les plus anciens connus remontent au Moyen Age.
Cette forêt unique appartenait en effet aux seigneurs locaux: les captaux de Buch. Ceux-ci, pour maintenir des habitants sur leurs terres leur avaient, depuis des temps immémoriaux, baillé (concédé) contre redevances un certain nombre de droits, toujours révocables puisque, à chaque mutation de seigneur, ceux-ci avaient l’habitude de « remettre en leur main » la forêt ce qui obligeait à de nouvelles négociations au cours desquelles les obligations des uns et des autres étaient ajustées en fonction de l’évolution économique et surtout de l’inflation.
Le texte original de 1468 a disparu. En effet, le 26 Brumaire An 2 il fut décidé par le Conseil Général de la commune de La Teste, de brûler les terriers et titres féodaux que le Captal, conformément à la loi, avait remis. Ce« brûlement » des titres féodaux s’est fait au lieu-dit les Places en Frimaire An II. (novembre 1793).
D’ailleurs ce n’était pas la première « baillette »; en effet, en 1468, les représentants des habitants montrèrent au seigneur, Jean de Foix Grailly, un parchemin qui prouvait que les Captaux, en l’occurrence son père Gaston I ,Comte de Foix, leur avaient donné le droit de faire, dans ces bois et montagnes, galipot (« gema » , produit brut qui suinte de l’arbre) et brais ( « rouzina » , produit cuit dans une chaudière) et d’y prendre « busca » (c’est le bois qu’on ramasse donc du bois pour le chauffage) et «fusta» (c’est le bois d’œuvre) pour leur service en payant une taxe,. Ces droits concernaient tous les habitants et pouvaient s’exercer sur toute la forêt, « dans les bois de la villa Seouba et autres montagnes de La Teste et de Cazeaux » à l’exception des bois et deffens de Bernet que se réservait le Captal. Il était précisé que l’exercice de ces droits devait se faire « sans dommage et déperdition dudit pignada » et dans le cas du bois d’œuvre pour construire, qu’ils devaient demander congé (permission) au receveur du seigneur. Ils jugent ces sommes trop importantes car ils ne sont que « quarante oustaus » (environ 200 personnes) et que son grand-père ne les faisait pas payer. Ils obtiennent d’en être «relaxés perpétuellement et à jamais»
A partir de cette époque, on constate que le Captal accepte, en les recevant comme tenanciers, des « estrangeys », bordelais, landais, basques, italiens qui viennent profiter des mêmes droits et faire négoce de résine. Ce sont ces «tenans pins» qui, en 1535, prétendirent devenir propriétaires de leurs tenures mais ne l’obtinrent pas.
En 1601, le Captal Jean Louis d’Epernon, reprit et ferma la forêt ce qui provoqua 3 années de procédures au bout desquelles fut signé un nouvel acte, en 1604.
Cette transaction, car il s’agit désormais de textes négociés et non plus seulement « baillés », met fin à la situation de fait que le Captal n’avait pas voulu reconnaître en 1535 en ce sens qu’il reconnaît définitivement la propriété, non de la forêt mais des seules concessions d’extraction de la résine ce qui explique le parcellaire de la forêt
La transaction la plus importante est celle de 1759 car elle est toujours en vigueur. fut négocié et paraphé le 16 Juin 1759 un nouveau texte. Depuis cette date, le Captal s’étant retiré, les propriétaires ayant pins qui sont garants de l’application des textes et de la gestion de l’usage restent désormais seuls face aux « usagers non ayant pins ».
Mais cela ne donne pas aux ayant-pins qui se la sont partagée, l’entière propriété de la forêt : ils ne possèdent que le sol, les cabanes et la gemme.
Pour le reste, l’utilisation des arbres, ils restent soumis aux textes anciens comme les autres usagers et quand ils ont besoin de bois pour eux-mêmes ils doivent respecter la règle et le prendre, avec accord des syndics, par rang et ordre, sur les parcelles dont c’est le tour d’être soumises à un prélèvement (y compris la leur, si elle est dans ce cas).
Ces textes ont été confirmés sous la Révolution
La seule nouveauté au XIX° siècle c’est, en 1855, le cantonnement de la petite montagne d’Arcachon la ville nouvelle qui s’était petit à petit édifiée.
Au XX° siècle, étant donnée l’augmentation régulière de la population ce sont des restrictions qui ont été négociées entre les propriétaires ayant-pins et les usagers, représentés depuis 1837 par leur Maire, la durée de l’habitanat pour en profiter étant actuellement de 10 ans.