Conditions de vie
Matthieu Cabaussel
Léon Drouyn: "Forêt d'Arcachon 9 août 1855" - Mine de graphite - Les albums de dessins - Vol 3 - Editions de l'Entre-deux-Mers
Intérieur d’une cabane de résinier, dessin de Paul Kauffmann fin XIXe
Symbole et icône de la forêt Landaise, le résinier est à la forêt testerine ce que le pêcheur est au Bassin. Si la complémentarité entre les activités maritimes et forestières est forte, en revanche on a souvent dépeint des portraits antinomiques des pêcheurs et des résiniers. Au XIXe siècle, médecins et journalistes sont frappés par deux catégories d’individus aux antipodes les uns des autres. Oscar Dejan estime que « les marins sont bien nourris, et comme ils boivent du vin en abondance, ils sont frais, colorés, bien découplés, et accusent la force et l’énergie », alors que les gemmeurs font pâle figure : « logés dans des cabanes en planches mal jointes, nourris de pain de seigle, de cruchade (sorte de bouillie grossière faite avec de la farine de maïs et de l’eau), de lard souvent rance, de sardines de Galice salées, ne buvant presque jamais que de l’eau, leur constitution se ressent de cette manière de vivre ». Le dessinateur et journaliste Paul Kauffmann, à la fin du XIXe siècle affirme que le résinier est « petit, très maigre, très peu musclé » et pratique un métier « très pénible, au dessus de ses forces apparentes ». Des médecins comme Jean Hameau ou encore le docteur Lalesque dressèrent un portrait édifiant des résiniers, « maigres, terreux, presque imberbes, petits et débilités, vieillis précocement, présentant un sang épais rare et de couleur très foncée ». Par ailleurs leur habilité et leur agilité à monter au pitey leur valurent d’être assimilés, par un illustre naturaliste bordelais sous le premier empire, à des spécimens à mi-chemin entre l’homme et le singe !
Sous l’ancien régime, les conditions de vie des gemmeurs sont extrêmement sommaires, à tel point que sous la Révolution, le Syndic des non-ayant-pins affirme que leur statut est « pire que celui qu’avaient les Nègres dans l’Amérique » (Turpin in Sargos 1997).
Quelques décennies plus tard, le statut du résinier demeure précaire et tient du métayage. Le propriétaire fournit la parcelle, la cabane, pots et crampons. Le résinier se charge lui-même de ses outils. Il envie souvent les ouvriers, payés à la journée tandis que les gemmeurs sont payés sur une part de leur production. La première récolte de résine intervenant vers la fin du mois d’avril et la dernière peu avant novembre, les gemmeurs ne touchent pas de revenus de leur activité durant une partie non négligeable de l’année. Ceci a poussé de nombreux résiniers à quitter le métier durant la seconde moitié du XXe siècle. Il fallut attendre 1968, alors que la profession était déjà condamnée, pour qu’ils bénéficient d’une convention collective.