Les obstacles juridiques à la colonisation
Mais ce sont surtout les problèmes juridiques qui ont empêché longtemps la colonisation de la lande et des dunes. Les droits d’usage très nombreux accordés au fil des siècles sur les « padouens et vacants » et l’impossibilité de régler le problème de la propriété des dunes (Etat ou seigneurs locaux ?), ont empêché les plantations. Il faudra que passe la Révolution pour que la situation se décante.
Les droits conventionnels d'usage
Les droits conventionnels d’usage (padouens et padouentage) concernaient les droits de pacage, d'ajoncs, de bruc (la bruyère), de fougères et d'apiés (les ruchers). Ils seront attribués aux habitants d’Arès et Andernos par leur seigneur Jean Durfort, à ceux du Captalat du Buch reconnus en 1550 par Frédéric de Foix, puis renouvelés par Gabriel Dalesne, en 1561 aux Sallois, en 1571 à Certes par Isabelle de Savoie (et confirmés en 1736 par Emery de Durfort marquis de Civrac pour Biganos, Audenge et Lanton), en 1619 et en 1702 par Jean-Baptiste de Laville. Ils étaient toujours en vigueur en 1730, complétés en 1742 et 1743 pour le pacage des lettes, en 1736 et aussi en 1792 dans la propriété Belcier. Les cahiers des doléances de 1789 en exigeront le maintien au nom de la défense des « libertés » locales.
Le meilleur exemple de la difficulté d'étendre le domaine forestier à cause des droits sur la lande est celui de La Teste.
Vers 1746, Jean Baptiste Amanieu de Ruat et d’après l’historien Delage "quelques habitants s'occupèrent à faire semer des graines de pins, d'ajoncs, de ronces et de genêts.....elles prirent très bien et dans peu d'années, dans cette partie semée, les sables se trouvèrent fixés et arrêtés, et, étant devenus grands et presqu'assez pour être exploités, pour produire des gommes, quelqu'un par malice ou sous prétexte qu'il ne pouvait pas faire pacager son bétail, les incendia, Ce qui fut cause qu'on cessa cette plantation , crainte d'éprouver le même sort"
Il s'agissait en fait d'une réaction tardive à la violation par le captal du texte de 1550 qui ne prévoyait que deux possibilités pour bailler les vacants dunaires ou la lande : "bâtir moulins à vent "et "convertir en labourage pour faire bled "
La Compagnie de Nezer
C'est pour la même raison que le suisse Nezer, qui avait fondé une compagnie pour semer les landes des futures communes de La Teste, Gujan et Le Teich, achetées en 1766 au Captal de Buch, ne put le faire que sur celles duTeich (situé en dehors du Captalat de Buch) car les habitants de La Teste avaient demandé au Parlement de Bordeaux de l’interdire en vertu du texte de I550. Cette décision entraîna, en 1769, la faillite de la compagnie de Nezer qui mourut ruiné l’année suivante.
(Atlas de la Gironde: "Le plan géométrique de la forêt Nézer, sur la commune du Teich (33), d’après la carte de Belleyme " crédits: Cédric Lavigne)
Des échecs successifs à la bonne solution
Tout au long du XVIII° siècle, de nombreuses initiatives se succédèrent pour tenter d’exploiter ces immensités a priori répulsives. Ainsi, en 1758 l’énergique sieur Laugeay de Beaune entrepris le défrichement des Landes, un an plus tard, le Marquis de Beaumont fit une proposition similaire, en 1760 c’est au tour de Raymond de Bellagarde En vain. En 1762, les lettres patentes royales se donnent les moyens de soutenir les vaillants par la construction de 1700 métairies. Mais ce fût un nouvel échec et les sieurs Vallet de Sallignac, de Chazelle et de Mariencourt abandonnèrent. En 1765, la compagnie du sieur Rothe fit de même, suite aussi à l’abandon de l’idée d’installer 700 familles rapatriées de Cayenne. A partir de 1768, l’on décide de s’attaquer aux véritables problèmes préalables au défrichement et à la mise en culture de la lande : la navigation et les projets de canaux, liés souvent avec la fixation des dunes