Origines et premiers usages
Matthieu Cabaussel
La forêt des Landes de Gascogne, si elle est en majeure partie plantée de la main de l’homme, est en réalité issue de boisements d’origine naturelle, localisés voici plus de 4000 ans à proximité du littoral, dont fait partie la Montagne de La Teste. C’est dans ces forêts qu’ont été mises au point les premières techniques de gemmage.
Dès l’Antiquité les hommes ont trouvé de nombreux débouchés à la résine, tout d’abord grâce à des produits tirés du pin mort. Les premiers usages de la gemme consistaient à faire brûler des morceaux de pins, afin d’en extraire de la poix (dérivée de la résine sous l’action du feu) qui servira au calfatage des embarcations naviguant sur le Bassin d’Arcachon. La poix était également utilisée pour étanchéifier des jarres contenant des denrées alimentaires.
Ce n’est qu’au XIIIe siècle qu’il est fait mention pour la première fois d’un commerce de la résine (extraite sur pin vif), sur un marché bordelais. La Teste possédait un marché mentionné dès le XIVe siècle par les Rôles gascons, alimenté principalement par les résines de la montagne (Sargos, 1997). Le marché testerin mettra longtemps à se développer, en raison de l’incommodité du trafic maritime sur le Bassin d’Arcachon. Longtemps les ports de Bordeaux et Bayonne capteront l’essentiel de l’activité d’exportation des résines et de leurs produits dérivés.
Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le port de la Teste bénéficiera d’une partie du commerce de la résine, principalement à destination de la Bretagne, la Normandie et le Pays Basque. En effet, d’après Robert Aufan, depuis 1616 des lettres patentes ont exempté d’impôt les résineux que les négociants testerins importent depuis les Landes mais ce n’est qu’au XVIIIe siècle que l’on dispose de chiffres précis : ainsi entre 1774 et 1779, la production de la Montagne testerine représente 1/7e des exportations du port, elle est en moyenne de 650 tonnes par an dont la moitié est utilisée sur place ou envoyée sur Bordeaux.
Du moyen âge jusqu’au XVIIIe siècle, au-delà des produits tirés du pin mort et transformés dans les fours à goudron (goudrons, brais et poix) l’exploitation de la résine sur pins vifs (gemmage), permettait de produire plusieurs produits dérivés. Les premiers gemmeurs comprirent que le principe de récolte de la gemme consistait à raviver régulièrement une entaille pour assurer un débit régulier de résine en empêchant la cicatrisation, tout en préservant le pin afin de ne pas l’affaiblir. Par la suite, les sous produits obtenus après traitement se faisaient soit sur la récolte brute, soit par le biais d’une cuisson. Nous pouvons simplifier en distinguant trois catégories de produits plus ou moins élaborés:
- le barras, résine brute solidifiée sur la carre, de teneur faible en térébenthine. Le barras se vendait sans transformation après avoir été moulé sous forme de pains de 30 à 40 kg.
- la tormentine, résine épurée par filtrage et soumise à la chaleur du soleil dans des « barques ». Les barques sont des réservoirs en bois à double fond : le premier ajouré permet à la résine chauffée sous l’action du soleil de s’écouler sur un plan incliné avant d’être récupérée. On obtient une substance ambrée, liquide, analogue à de l’huile. Cette technique de séchage au soleil était très répandue à La Teste, et permettait d’obtenir la « tormentine du soleil », qui était la substance utilisée pour la fabrication des vernis, des solvants et des cires à cacheter. Cette technique fut localement utilisée jusqu’au milieu du XIXe siècle, c’est la concurrence des usines de distillation qui la fit disparaître.
- les résines cuites, obtenues par cuisson dans une chaudière. Avant le XIXe siècle, la cuisson de la résine était souvent effectuée directement en forêt, dans des chaudières en cuivre, les « caoudeyres ». On produisait notamment des résines dites jaunes et de la colophane. Ces substances étaient alors utilisées dans la savonnerie, l’encollage des papiers, ainsi que pour vernir les mats et les carènes des bateaux (les marins bretons étant très friands des résines landaises). Elle servait également à fabriquer des chandelles qui s’employaient en Grande Bretagne, en Irlande et dans les régions de l’Ouest de la France. Ces chandelles produisaient une lumière faible et dégageaient une épaisse fumée noire, qui encrassait l’intérieur des maisons.
Ajoutons à ces produits, ceux issus de la distillation apparaissant au XVIIe siècle et permettant de séparer l’essence de térébenthine (volatile) de la colophane (solide). Petit à petit la transformation de la résine quitte la forêt, et se pratique dans des ateliers.
(voir le site de Robert Aufan "les produits résineux.free.fr)