Le déclin
Matthieu Cabaussel
Au milieu du XXe siècle, le travail était pénible, très peu rémunéré, et de nombreuses grèves et manifestations de gemmeurs ont eu lieu pour faire valoir leurs droits. Il fallut attendre 1968 pour qu'une convention collective vienne réglementer la profession et mette ainsi un terme à certains abus (Courau, 1995). Mais il était sans doute trop tard, car déjà à cette époque, la mort du gemmage était programmée. L’État est à l’origine de l'ouverture brutale du marché français des produits de la gemme à la concurrence étrangère, venant notamment du Portugal, d'Espagne ou de Grèce, dès 1952. Cette ouverture du marché à des produits à faible prix de revient s'est d'ailleurs poursuivie, sans aucune contrainte, alors même que ces pays n'étaient pas encore membres de la Communauté Economique Européenne. On a alors assisté à une baisse généralisée des cours de la résine.
Un autre effet de cette décision a été de favoriser l'introduction en France de la technique américaine du gemmage à l'acide sulfurique. L’acide pulvérisé sur la carre augmente la quantité de résine produite. Les conséquences induites par cette méthode sont de réduire les coûts de main-d’œuvre (les piques sont moins fréquentes, donc pour un même nombre de pins, on a besoin de moins de résiniers).
Parallèlement les dérivés pétroliers supplantèrent les produits issus de la distillation de la gemme dans l’industrie chimique. Le « White Spirit » remplace l’essence de térébenthine pour bien des usages. Petit à petit la forêt de Gascogne est exploitée pour son bois d’avantage que pour sa résine. Les usines de Facture, Mimizan et Tartas traitent la cellulose pour en faire papiers et cartons, tandis que les demandes en bois pour fabriquer poteaux, planches, cageots, voliges, parquets et quelques produits d’ameublement augmentent. La production de résine et le nombre de gemmeurs diminuent considérablement durant la seconde moitié du XXe siècle. Alors que le gemmage a fourni jusqu’à 178 millions de litres durant l’âge d’or dans les années 1920, on ne compte plus que 3 millions de litres en 1980. En 1950, on comptait quelques 15 000 gemmeurs, pour un total de 35 000 personnes vivant directement ou indirectement de l’industrie du gemmage, sans compter les employés des usines de distillation (Courau, 1995). Les gemmeurs n’étaient plus que 3 500 en 1970, et 50 en 1990 (Guidez, 1999). Les jeunes résiniers abandonnent progressivement le métier, préférant les emplois salariés au statut de gemmeur, payé une partie de l’année seulement, en fonction de sa production. En 1991, tout était terminé, le gemmage, au passé millénaire, disparaissait totalement de la forêt des Landes de Gascogne. (A titre d’exemple comparatif, l’ensemble de la filière aéronautique et spatiale, fer de lance de l’économie régionale en Aquitaine, comptait au 31 décembre 2008 selon l’INSEE de l’ordre de 44 500 emplois salariés)